Tchad: Une nouvelle ordonnance met en péril le droit à la liberté d’association

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Les autorités tchadiennes ont ignoré les recommandations visant à réviser les dispositions vagues et répressives contenues dans l’ordonnance sur le droit à la liberté d’association, ont déclaré aujourd’hui Amnesty International, et quatre collectifs d’organisations de la société civile tchadiennes – regroupant 36 associations.

Dans un rapport intitulé «Utilisation de la législation nationale pour restreindre le droit à la liberté d’association», les organisations ont souligné que les autorités tchadiennes ont manqué l’opportunité d’intégrer leurs recommandations à la nouvelle ordonnance afin de la mettre en conformité avec la Constitution tchadienne et les lois et normes régionales et internationales relatives aux droits humains.

«Les autorités ont complètement ignoré nos recommandations concernant la réforme de cette ordonnance répressive. Ce faisant, elles ont démontré leur manque d’engagement pour respecter les droits humains au Tchad,» a déclaré Balkissa Ide Siddo, Chercheur sur l’Afrique centrale à Amnesty International.

« L’environnement dans lequel travaillent les associations de la société civile continuera à se détériorer si les autorités ne prennent pas des mesures concrètes pour modifier cette ordonnance et adopter nos recommandations qu’elles n’ont pas incluses. »

Le président Idriss Déby Itno a promulgué une nouvelle Constitution en mai 2018 dans le cadre de l’instauration de la quatrième République du Tchad. En juin, les autorités tchadiennes ont promulgué un certain nombre de textes dont l’ordonnance portant régime des associations sans tenir compte des recommandations formulées par des organisations nationales et internationales de défense des droits humains.

La nouvelle ordonnance interdit formellement toutes les « associations à caractère régionaliste ou communautariste » sans fournir de fondement ou d’explication juridique. Elle maintient également une disposition antérieure selon laquelle les citoyens qui créent des associations doivent recevoir au préalable une autorisation du ministère de l’Administration territoriale avant de démarrer leurs activités.

La nouvelle ordonnance prévoit des peines de prison allant jusqu’à cinq ans et des amendes pouvant aller jusqu’à 3 millions CFA (4 573 euros) pour les personnes impliquées dans la création et la gestion d’«associations non autorisées et non enregistrées».

«La formulation des dispositions contenues dans cette ordonnance accorde de vastes pouvoirs discrétionnaires aux autorités, ce qui peut entraver arbitrairement le droit à la liberté d’association,» a déclaré Mahamat Ibedou Nour, porte-parole du collectif « Ça Suffit ».

« Cela risquerait fort d’entraîner le refus d’autorisation à certaines organisations, sur la base de motifs fallacieux et motivés par des considérations politiques, en particulier lorsque l’organisation demandeuse de cette autorisation est jugée indésirable par les autorités, » a rajouté Céline Narmadji, porte-parole de la coalition « Trop c’est Trop ».

La nouvelle ordonnance limite également le droit de créer des fédérations ou de s’y affilier, aux associations d’un même pays, qui poursuivent des buts similaires et dont les activités se concentrent sur des problèmes identiques. Bien plus, elle exige que les associations qui souhaitent se constituer en fédération obtiennent une autorisation préalable pour commencer à fonctionner.

Il y a un autre risque que les autorités utilisent cette nouvelle ordonnance pour légaliser l’interdiction de toutes les activités de fédérations d’associations telles que le Mouvement d’Eveil Citoyen (MECI) qui regroupe des organisations de la société civile, des partis politiques et des syndicats qui font campagne contre la mauvaise gestion des fonds publics et appellent à des changements démocratiques.

Une autre disposition draconienne contenue dans cette ordonnance discrimine les associations étrangères, notamment en limitant dans le temps leur autorisation d’exercer et en leur enjoignant de la renouveler régulièrement. Le texte prévoit également que l’autorisation accordée aux associations étrangères pourrait être retirée à tout moment sans aucune base légale, ou mécanisme légal pour contester une telle décision devant un tribunal.

« Comme nous le craignions, le processus de réforme de cette ordonnance n’a pas été inclusif. Les organisations nationales et internationales de défense des droits humains n’ont pas été consultées par les autorités, ce qui a eu pour effet le durcissement de dispositions draconiennes qui restreignent illégalement le droit à la liberté d’association, » a déclaré Pyrrhus Banadji Boguel, Président du conseil d’administration du collectif des Associations des droits de l’homme (ADH).

La nouvelle ordonnance restreint indûment le droit à la liberté d’expression des associations et de leurs membres en interdisant la participation d’organisations de défense des droits humains, des associations religieuses et des associations d’étudiants à des activités «politiques».

En vertu des dispositions contenues dans la nouvelle ordonnance, les associations ne sont autorisées à chercher des fonds et des ressources que sur la base d’une liste restreinte de sources – à savoir les contributions des membres, cotisations, dons, legs et subventions. Ces dispositions violent le droit des associations à rechercher et à obtenir des fonds et des ressources.

Il existe également des dispositions en vertu desquelles l’État peut contrôler la gestion des biens d’une association et peut, à tout moment, demander à se faire présenter les registres et documents comptables

 

«Nous appelons les autorités tchadiennes à veiller à ce que chacun jouisse du droit à la liberté d’association sans aucune discrimination, en abrogeant toutes les dispositions de la nouvelle ordonnance qui restreignent indûment ce droit,» a déclaré Alain Didah, porte-parole du mouvement citoyen « IYINA ».

Ces dispositions vagues peuvent conduire à une ingérence injustifiée dans la gouvernance des associations, pour limiter davantage leurs activités, en particulier celles jugées critiques par les autorités.

SIGNATAIRES
1. Amnesty International  
2. Mouvement Iyina 
3. Collectif ça suffit  
4. Collectif des Associations des Droits Humains  
5. Coalition Trop c’est Trop 

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