Le Comité pour la protection des journalistes indique que depuis dix ans, un minimum de treize reporters ont été tués (es) en raison de leurs enquêtes sur l’environnement.
On connaissait les risques encourus par les journalistes en zone de conflit. Dorénavant, il faut reconnaître que les spécialistes des questions environnementales sensibles, traitant par exemple de la destruction d’espaces naturels, sont également particulièrement exposés (es). Ces thématiques sont même devenues le deuxième domaine du journalisme le plus dangereux, derrière le reportage de guerre.
Ces dix dernières années, treize journalistes couvrant des problématiques liées à l’environnement ont perdu la vie à cause de leur travail –et ce bilan n’est que partiel : le Comité pour la protection des journalistes se penche actuellement sur la mort de 16 autres personnes.
Intérêts trop puissants
«Les questions environnementales touchent à la fois à certains des plus grands abus de pouvoir dans le monde et à certaines des plus grandes concentrations de pouvoir, avance Bruce Shapiro, directeur du Dart Center for Journalism and Trauma. J’ai du mal à imaginer une catégorie de journalistes d’investigation qui interagissent au quotidien avec des acteurs plus dangereux. Un reportage d’investigation sur l’environnement peut être aussi dangereux qu’un reportage sur la contrebande de stupéfiants.»
«Les controverses environnementales impliquent souvent de puissants intérêts économiques et commerciaux, des batailles politiques, des activités criminelles, des insurgés antigouvernementaux ou encore de la corruption […]. Que ce soit dans les pays riches ou en développement, les journalistes qui couvrent ces questions deviennent une cible privilégiée», écrivait Éric Freedman, professeur de journalisme à l’université du Michigan, dans un article de The Conversation, le 3 janvier 2019.
Impacts psychologiques
La pression est si forte qu’elle peut avoir d’importantes conséquences sur la santé mentale des journalistes, qui les poussent même dans certains cas à arrêter leur carrière. «Ce qui se passe, c’est que les journalistes ne veulent plus couvrir ces questions graves. Ils finissent par traiter d’autres sujets plus faciles et pour lesquelles ils ne reçoivent pas de menaces», regrette Ramesh Bhushal, membre de l’organisation Earth Journalism.
Les travaux des psychologues Smith et Porterfield, cités par Eric Freedman dans l’un de ses articles de recherche, ont démontré que les journalistes ayant été emprisonnés (es) et ayant subi des pressions faisaient souvent face à des problèmes psychologiques, comme du stress post-traumatique ou des dépressions.
En 2015 déjà, l’ONG Reporters sans frontières avait alerté sur la situation. Dans un rapport intitulé «Climat hostile contre les journalistes environnementaux», l’ONG avait appelé les médias et les gouvernements à améliorer drastiquement leur niveau de protection des journalistes couvrant des sujets environnementaux.