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La Coupe du monde féminine de football, un autre observatoire des inégalités

L’exemple de l’équipe jamaïcaine, abandonnée par sa fédération, est particulièrement révélateur.

La prochaine Coupe du monde féminine de football, qui se tiendra en France à partir du 7 juin, donnera évidemment l’occasion d’évoquer les inégalités de salaire et de traitement médiatique entre les équipes féminines et masculines. Un article du New York Times vient rappeler qu’au sein même du football féminin, il existe des déséquilibres hallucinants entre les différentes équipes, certains pays considérant à considérer que seul le football masculin vaut la peine d’investir. Le journaliste Jeré Longman s’est notamment intéressé à l’équipe jamaïcaine, qui évolue dans des conditions pour le moins spartiates en raison d’un manque certain de moyens et de l’absence de soutien de sa fédération.

À l’heure où certaines fédérations nationales commencent à comprendre l’intérêt d’investir dans le football féminin (parce qu’elles ont réfléchi ou par pur pinkwashing), d’autres trainent encore les pieds. En France, le championnat s’est peu à peu professionnalisé, et les joueuses de l’équipe nationale bénéficient des infrastructures de la FFF pour pouvoir préparer «leur» Coupe du monde. Aux États-Unis, l’équipe féminine réalise actuellement une tournée dans le pays afin de rencontrer ses fans et de préparer le Mondial. Les joueuses y sont réellement célébrées, et le tournoi sera largement diffusé, grâce à la chaïne ESPN, mais aussi par le biais des écrans géants installés dans certaines grandes villes.

À l’autre bout du spectre, il y a les Reggae Girlz jamaïcaines, à qui la fédération nationale de football a carrément coupé les vivres en 2015. L’équipe est à la fois en train de tenter de préparer la Coupe du monde, mais aussi de boucler son budget. Il faut trouver et convaincre des mécènes, organiser des manifestations (matches de gala, camps d’entraînement) et tenir les cordons de la bourse. Tout se fait dans le sourire, mais rien n’est simple.

Jeré Longman raconte une anecdote relativement édifiante : lors d’une soirée destinée à récolter des fonds en faveur de l’équipe jamaïcaine, les joueuses sont apparues avec des tenues destinées aux hommes, sur lesquelles on pouvait lire les mots Reggae Boyz (le surnom des joueurs masculins). En termes d’image de marque, on a fait mieux. Mais puisque la fédération ne fait aucun effort, chaque économie est importante.

Au même titre, certaines joueuses sont contraintes de payer elles-mêmes leurs chaussures à crampons, comme si elles étaient de simples amatrices. Et lorsqu’il leur a fallu s’entraîner dans des conditions climatiques désastreuses (températures en berne et pluies importantes), ce sont les membres de l’équipe technique qui ont dû mettre la main à la poche afin de pouvoir financer l’achat de vestes de survêtement.

Le message envoyé par la fédération jamaïcaine est désastreux : c’est tout simplement comme si le football féminin n’existait pas. Lorsque l’équipe s’est qualifiée pour la Coupe du monde en battant le Panama aux tirs au but, aucun cadre des instances dirigeantes n’était présent. Personne n’avait fait le déplacement, comme si tout cela n’avait réellement aucun intérêt.

Crowdfunding obligatoire

La gardienne de but Nicole McClure confirme le sentiment unanime d’abandon : «L’attitude de la fédération est consternante. Nous ne comptons pas. Mais nous continuerons à nous battre pour l’égalité. Nous voulons pouvoir nous asseoir autour d’une table et discuter de tout ça». En mars, McClure a dû organiser sa propre levée de fonds : elle joue dans un club amateur en Irlande du Nord, où elle n’est pas rémunérée. C’est donc uniquement grâce aux dons qu’elle parvient à vivre (chichement) de son sport. Triste réalité.

Récemment, les footballeuses jamaïcaines sont parvenues à obtenir une première avancée : les joueuses sélectionnées pour la Coupe du monde ont signé un contrat qui leur garantit un salaire mensuel compris entre 800 et 1200 dollars, avec effet rétroactif au 1er janvier. Le coach Hue Menzies, quant à lui, recevra 40 000 dollars. Il s’agit des premiers contrats signés par une équipe féminine caribéenne de football. Malgré la maigreur des montants, ce n’est pas rien.

Le président de la fédération, Michael Ricketts, se défend évidemment d’avoir délaissé les Reggae Girlz, affirmant avoir dépensé environ 4 millions de dollars depuis la qualification des Jamaïcaines pour la Coupe du monde. Un chiffre fermement contesté par les coaches de l’équipe, qui disent ne pas y croire une seconde.

À quelques jours du tournoi, il est toujours possible de contribuer financièrement pour aider l’équipe, ce qui se fait directement sur son site. Malgré les aides de la FIFA et des mécènes (dont Cedella Marley, la fille de Bob, sans laquelle «il n’y aurait pas de Reggae Girlz», disent les joueuses), il manquait encore 400 000 dollars pour équilibrer la balance.

Slate fr

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