mardi, décembre 24, 2024
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Mauritanie : passation de pouvoir en douceur entre les présidents Aziz et Ghazouani

Tous ceux qui espèrent ou qui redoutent une rupture entre le président Mohamed Ould Abdelaziz et son successeur élu Mohamed Ould Ghazouani en ont été pour leurs frais, jeudi 1er août, lors de la cérémonie d’investiture de ce dernier au Centre international des conférences El Mourabitoune à Nouakchott.

Du début à la fin de la célébration, ils ont eu en face d’eux un vrai couple. Le sortant était plus martial et plus sonore ; le nouvel élu, plus réservé et moins à l’aise avec la pleine lumière. Mais ils sont entrés ensemble sur scène. Côte à côte, ils sont restés assis. Répétées, les embrassades de ces deux anciens généraux n’étaient pas feintes. Ils étaient deux frères et la passation de pouvoir de l’un à l’autre ne pouvait que se dérouler en douceur, rythmée par trois hymnes à la démocratie mauritanienne.

Après une lecture psalmodiée du Coran, c’est Mohamed Ould Abdelaziz qui a pris la parole le premier. Confiant de laisser la Mauritanie et ses acquis dans « des mains sûres », il s’est dit fier « de passer le pouvoir à un président démocratiquement élu » contribuant ainsi à « l’ancrage de la démocratie dans notre pays ». Il a rappelé ces acquis qui font que « la Mauritanie est sans commune mesure avec celle que nous avons trouvée lors de ma première élection », a-t-il souligné.

Elle est devenue une terre de « tolérance, de justice et d’égalité », a-t-il affirmé. Avant d’abonder : elle a remporté « une victoire décisive sur le terrorisme ». Elle s’est enrichie en infrastructures et a amélioré son climat des affaires. Elle offre à ses habitants « un accès à des services de base de qualité ». Son produit intérieur brut a été augmenté de moitié entre 2009 et 2018 et ses réserves en devises sont passées de 1,5 à 7 mois d’importations.

Le président sortant a encore vanté la place accrue faite aux femmes et aux jeunes dans les affaires publiques, tout comme la liberté de la presse et le respect des droits de l’homme qui règnent. Les prisons « sont vides de prisonniers politiques ou d’opinion ». Et de conclure en assurant son frère de son « total et indéfectible soutien ».

« Une belle page de notre démocratie »

À l’issue de la proclamation solennelle par le Conseil constitutionnel de l’élection à la présidence de Mohamed Ould Ghazouani, avec 52 % des suffrages exprimés, le président de l’instance Bathia Mamadou Diallo a prononcé un discours inhabituellement chaleureux dans la bouche d’un haut magistrat. Si, « événement sans précédent », a-t-il dit, « un président élu s’assoit à la fin de son mandat à côté d’un président élu démocratiquement », tout « le mérite en revient au président Aziz ».

« Vous avez dit non à un troisième mandat contre vents et marées, et je témoigne que vous avez toujours été constant dans cette position »

En effet, a-t-il poursuivi à l’adresse de ce dernier, « vous auriez pu vous engager dans la voie laborieuse de la modification de la Constitution » pour effectuer un troisième mandat. « Vous avez dit non contre vents et marées, et je témoigne que vous avez toujours été constant dans cette position. (..) Vous avez ainsi écrit une belle page de notre démocratie. »

Promesses de dialogue politique et d’unité nationale

Après avoir prêté serment et reçu la médaille et le cordon de sa nouvelle fonction, le président Ghazouani a pris la parole. Son discours n’était pas animé par le même souffle que sa déclaration de candidature du mois de janvier. Outre un hommage appuyé à son prédécesseur pour sa « mise du pays sur le chemin de l’alternance » et au peuple mauritanien pour sa « maturité », il contenait trois fils rouges déjà évoqués par lui.

Le premier concerne le climat politique qu’il veut « serein et apaisé ». Pour cela, a-t-il précisé, « je travaillerai à créer une atmosphère naturelle et sereine dans laquelle chaque acteur jouera son rôle constitutionnel à partir de son positionnement politique ». L’opposition sera écoutée, puisque l’élu a promis qu’il « resterai[t] ouvert à tout le spectre politique tout au long de mon mandat, sachant que la Mauritanie a besoin de nous tous, majorité et opposition ».

Les négociations qui se poursuivent entre le parti présidentiel Union pour la République (UPR) et Biram Dah Abeid, patron de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) devenu chef de file de l’opposition depuis sa deuxième place à la présidentielle (avec 18,59 % des suffrages), illustrent ce début de changement de climat politique.

Deuxième fil rouge : « le renforcement de l’unité nationale, de la cohésion sociale et de l’égalité des citoyens » que le nouveau président sait gravement menacés par les inégalités et la marginalisation de groupes ethniques, comme les Haratines (Maures noirs, descendants d’esclave) et les négro-africains (Peuls, Soninkés, Ouolofs). Confirmant son projet d’instituer à leur profit une « discrimination positive » évoquée en janvier, il a annoncé qu’il « accorderai[t] la plus grande attention aux groupes vulnérables et à ceux qui ont souffert historiquement de toute forme de marginalisation, par le biais de programmes intenses et d’interventions ciblées ».

Nécessité d’une économie plus diversifiée

Troisième fil rouge : l’économie qu’il veut rendre « productive et diversifiée », ce qui lui imposera de se soucier d’autres domaines que les mines, la pêche et demain le gaz, et de « promouvoir un secteur privé compétitif qui soit un véritable moteur de l’économie ». Tout programme de rattrapage passera enfin par la « refondation » du système éducatif, qui lui tient à coeur, a-t-il déclaré – « conscient » que les riches mettent leurs enfants dans l’enseignement privé et les pauvres dans un public en déshérence, puisqu’il y a eu moins de 8 % de réussite lors de la dernière session du baccalauréat.

Le président tchadien Idriss Déby itno et son homologue congolais Denis Sassou Nguesso les ont embrassés tour à tour les premiers

Les deux présidents ont reformé leur couple pour recevoir les félicitations des chefs d’État présents. Le président tchadien Idriss Déby Itno et son homologue congolais Denis Sassou Nguesso les ont embrassés tour à tour les premiers. Avec le président sénégalais Macky Sall, l’aparté a réuni les trois hommes un peu plus longtemps. Dans la foule qui quittait le Centre des conférences, la rumeur courait déjà de la nomination d’un nouveau Premier ministre, dès vendredi 2 août, jour où il n’y aura plus qu’un seul président.

JA

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