samedi, novembre 23, 2024
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PMU « CALVAIRE OU LIBÉRATEUR » POUR LA POPULATION DU TCHAD

Les jeux du hasard communément appelé PMU  « pari mutuel urbain », prend de plus en plus de l’ampleur dans la ville de N’Djamena. Les mineurs, les adultes, les vieillards ainsi que les fonctionnaires, personne n’est restée indifférent à ces jeux installés aux abords des rues et ruelles les plus fréquentées par les usagers. Certaines personnes en font une activité rémunératrice, d’autres en font un hobby et bientôt une fonction. Cependant, quelles sont les répercussions sur le geste et mental de la population ? Quel avenir et héritage pour les jeunes ?

Ayant une superficie de 1 284 000 km², le Tchad est l’un des pays en Afrique beaucoup plus religieux par son bon nombre musulman, chrétien et animiste avec les différentes activités d’où également pmu.  Introduit au Tchad depuis 1994, le pmu a connu une floraison très rapide au sein de la société tchadienne. Jadis, c’était des courses des chevaux, de nos jours il y en a autant de types des jeux parmi lesquels, le pari foot, le jeu de numéro de 0 – 95, 0-45, course des chiens sur écran etc.

Ces jeux sont introduits par les différentes sociétés : BET d’origine Belge, Premier loto, Afrijeux d’origine libanaise,  pmu-c d’origine française et « Yup – yup » d’origine chinoise. L’accès à ces différents jeux commence à partir d’une pièce de 100F, 300F et plus pour d’autres catégories. Formant parfois un groupe assis sous les arbres et dans les kiosques ou sous les para soleils, les parieurs se dotent des programmes et un stylo en main pour la composition mathématique des numéros comme à la classe antérieur au lycée et au primaire. Interrogés, à ces sujets, la majorité s’est lancée au pari mutuel urbain pour compenser le vide d’activité. C’est le cas de Jacques, parieur rencontré au quartier moursal : « Le jeu de la loterie, ça m’intéresse parce que, actuellement, il n’y a pas d’activité. Je tente ma chance pour voir si je peux gagner quelque chose ». Ce qui veut dire, le pmu est loin d’être un loisir. Certaine personne y passent toute la journée voir toute leur vie à ces jeux. Djingamass Christian, un homme cinquantaine   révolu est aussi un parieur : «  ça fait plus 20 ans que je joue au pmu. Je trouve que ça m’avantage beaucoup. Même si je ne gagne pas les millions, le peu, je gagne beaucoup et ça m’encourage de laver la mémoire et d’oublier le souci financier. Ce jeu m’a beaucoup aidé à subvenir aux besoins de la famille, j’ai même crépi ma maison avec  l’argent de ce jeu ».

Le jeu de pmu n’est pas seulement l’œuvre ou activité des hommes mais aussi des femmes même si elles sont minimes à jouer. Une parieuse anonyme s’est prononcée et a avancé des raisons qui lui ont poussé d’aimer ces jeux : « ça fait longtemps déjà que je me suis mise dans ces jeux de pmu, mon mari a perdu son job, nous sommes restés à la maison avec les enfants pendant presque un mois. En ce moment-là voire la nourriture, c’était une  denrée rare, j’ai presque épuisé ma petite économie, c’est ainsi que le peu qui m’est resté j’ai essayé mainte fois le pmu. Mon mari ne voulait pas que je joue à ça mais je continuais en cachette jusqu’à ce que je gagne par la grâce de Dieu presque un million. L’argent qui nous a permis de nous réorganiser.  Quand j’ai dit à mon mari que j’ai gagné, désormais il ne s’oppose pas à ce que je joue. Je sais aussi que ces genres de jeux ne sont pas faits pour une femme africaine que je suis mais j’étais obligée ».

Si le pmu est parfois un « libérateur » pour les uns, il reste une maladie et ennui pour les autres. Madji Guidna s’est lancé au pari mutuel urbain depuis l’introduction de ce jeu : « Depuis que le pmu est arrivé au Tchad, moi j’ai commencé directement avec ça. C’était en 1994 et mon plafond c’est 240 000 F, sinon c’est cette année que je gagne beaucoup surtout le mois de juillet j’ai gagné plus de 100 000 F par semaine. Mais ce qui est marrant cet argent que je gagne ça s’envole au même jour. Je ne sais pas pourquoi. Comme on reste avec les amis et quand on gagne on vient bombarde sur l’alcool seulement et franchement ça ne m’aide pas du tout de gaspiller inconsciemment cet argent. Je ne peux pas aussi du coup laissé tomber parce que j’ai beaucoup gaspillé sur ça. Il me faut d’abord récupérer ce que j’ai misé et perdu». Les parieurs vivent toujours avec l’idée utopique de récupérer un jour les sommes dépensées sur ces jeux. C’est ce qui les refuse parfois le sommeil et affecte le mental.

Le pari mutuel ne serait jamais considéré comme un hobby. Car il a toujours pour but l’argent nous apporte Papou un homme de trentaine révolu : «Si quelqu’un vous a dit qu’il fait ces jeux pour se distraire ce qu’il a menti. Comment comprendre qu’il a pris tout son temps étudier et faire la combinaison pour jouer et à la fin il dit, c’est juste pour se distraire. Non ! Je dépense de l’argent pour gagner de l’argent. Et ça arrive des fois où je gagne et perds aussi. Quand je perds, je perds beaucoup et quand ça arrive que je gagne, je gagne aussi costaud et ça règle mes problèmes. Et je ne suis pas né avec donc quand je décide d’abandonner je peux le faire ».

Les mineurs s’introduisent parmi les grands. Ils jouent presque tout, ces jeux. Parmi ces enfants, il y a ceux qui volent les jetons de leurs parents pour y jouer et  aussi ceux qui exercent de petits commerces pour préparer la rentrée scolaire. Ils ont un gout bien orienté sur le pari foot, le « yup-yup » des chinois et aussi le jeu des numéros de  0 – 90 et 0-45 sans oublier la course des chiens sur écran dans les salles d’Afrijeux et pmu BET. A ce sujet l’un des parents répond : « les enfants sont très têtus de nos jours, parfois ils demandent de jetons pour manger du gâteau mais ils vont jouer à ces différents jeux et parfois ce qui est écœurant, il y a ceux-là qui volent de l’argent et aller jouer à ces jeux ».

Un citoyen reste dans son anonymat nous a donné un témoignage sur son voisin: « hier 02 Août 2018, mon voisin a faillit taper sur son fils avec une pioche si on intervenait pas. D’après le père de cet enfant, qu’il a fait la combinaison de numéro et remettre à son fils d’aller jouer, le soir qu’il a vu que les numéros sont arrivés et donc, il attendait son fils pour prendre le ticket et aller toucher son jackpot. A sa grande surprise l’enfant lui a dit qu’il n’a pas jouer parce qu’il avait fin et les 300F qu’il a mangé le haricot avec »

Sur le plan religieux, musulman comme chrétien rejettent en bloc ce jeu qui normalement ne devrait pas avoir lieu car cela est condamné par le Coran et la Bible. Un homme de Dieu, Alladoum dixit : « La parole de Dieu n’encourage pas ça. Il n’y a pas le hasard chez Dieu. Dieu bénit sur une base logique, l’homme doit travailler et manger à la sueur de son front. Ces jeux du hasard, ça encourage la paresse, la délinquance et l’entrainement des gens dans beaucoup de chose qu’on ignore. Et l’implantation de ces différents jeux au Tchad, représente une malédiction et un danger pour la nation tchadienne ».   

Pour Djimtebeye Ngaba Aurel, sociologue de formation, ces jeux ne sont pas de la société tchadienne « anthropologiquement parlant, c’est un jeu qui n’est pas de notre société, cela était exporté de l’extérieur. Les gens ont implanté ces jeux et les jeunes se sont lancé à ces jeux sans avoir murement réfléchi l’impact que ces jeux doivent en avoir sur leur vie quotidienne et les conséquences seront proches ou lointaines. Alors beaucoup se donnent à ces jeux, l’envi c’est d’abord avoir de l’argent et cela les empêches de faire vraiment des efforts réels pour avoir un gain positif. C’est un fait social qui s’impose et ça transforme aussi la mentalité de tous ceux qui s’y adhère à ça. Et à la longue je dirais que ça risque de créer vraiment de problème. Puisque déjà, si quelqu’un est habitué à ces jeux et arriver un moment si la personne est coincé, à l’exemple des enfants, souvent je ne donne pas tort aux enfants, ce sont les parents eux-mêmes qui font leur combinaison et demande aux enfant d’aller jouer pour eux, à la longue ces enfants sont habitués à jouer. Quand ils veulent déjà jouer et s’ils sont dépourvus des moyens, ils font recours aux parents mais aucun parent ne va accepter de donner l’argent à l’enfant d’aller faire le jeu, et l’enfant se jette au vol d’argent et dans le banditisme». L’habitude est une seconde nature dit-on. Ainsi il n’est pas facile pour celui qui s’est donné il y a longtemps à ces jeux d’abandonner et n’est pas différent d’un fumeur selon le sociologue : « Je les qualifie automatiquement à des fumeurs, aujourd’hui quand un fumeur ne trouve pas de bâton de cigarette, il n’est pas tranquille, il veut coute que coute  toucher ne se reste que le mégot pour se soulager. Il y a aussi les vieux qui ont commencé à jouer il y a longtemps quand ils avaient de l’argent, pour leur, s’ils sont dépourvus de moyen financier pour jouer comme avant mais ils veulent quand même jouer, il y a ceux qui font la combinaison des numéros, mais en fin de compte, ils ne trouvent pas de l’argent pour jouer, ils mendient les jetons pour jouer dans l’espoir de gagner 10 millions, mais toujours ils ratent. Les amener à abandonner demandera un long processus. C’est comme le drogue. Il devrait avoir un âge fixe pour avoir accès à ces jeux».

Djikoloum Thierry superviseur de l’une des maisons des jeux rencontré sur le terrain réagit par rapport aux enfants : « les enfants de moins de 18 ans s’intéressent trop au football dont ils veulent jouer  au pari foot. Dans certains coins ce n’est pas facile de les interdire parce que nous ne pouvons pas être tout le temps sur le terrain pour éviter ça, les revendeurs eux, on les paie sur pourcentage et ils veulent l’argent. Même si c’est un gamin qui arrive avec l’argent eux ils prennent. Il va falloir que les revendeurs prennent conscience car cela a conduit déjà en prison l’un de nos agents dans le 9e arrondissement de N’Djamena et aussi aux parents de cesser d’envoyer les enfants pour ces jeux ».

 

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