DISCOURS D’OUVERTURE DU CONSEIL NATIONAL STATUTAIRE
13, 14, 15 AVRIL 2018
Messieurs les Chefs de Partis et Chers Amis,
Camarades Conseillers,
Militantes et Militants,
Chers Amis,
J’exprime de la joie et de la fierté de vous accueillir dans cette bâtisse emblématique qui symbolise la Femme tchadienne. Je suis content de vous recevoir parce que, une fois encore, l’UNDR tient des assises statutaires et ce, conformément à ses textes, sans varier depuis 26 ans qu’existe notre Parti. C’est la preuve, s’il en était besoin, de la bonne vitalité de notre Parti, de la discipline de ses militants, ainsi que de l’engagement de ses dirigeants chargés de son fonctionnement. Nous pouvons en être fiers !
Mais, chers camarades et amis, cette fierté doit néanmoins être tempérée. En effet, l’évolution politique de notre pays nous interpelle car nous faisons certes face à de nombreux défis, mais nous n’avons jamais fait preuve d’engagement et de détermination face aux impérities d’un pouvoir décadent, autrement que par des communiqués, des points de presse et des conférences de presse qui ne peuvent pas ébranler outre mesure notre adversaire qu’est le MPS. Et pourtant, ce ne sont pas des motifs qui manquent : fraudes électorales, assassinats, crimes de guerre, crimes économiques, violations constantes des lois, destruction de l’Etat, paupérisation des populations, mercenariat de notre armée… tout y passe et rien ne bouge !
La triste réalité que nous vivons est que Déby et le MPS peuvent faire tout ce qu’ils veulent faire, ou presque, et atteignent toujours leurs objectifs, contre vents et marées. D’où la question qui revient invariablement : «depuis 28 ans, l’opposition se bat et continue de se battre pour rien, le pouvoir est toujours plus puissant que jamais. Cette lutte n’est-elle pas stérile, inadéquate et improductive » ? Cette question, nos compatriotes se la posent et nous la posent de plus en plus.
A première vue, ceux de nos compatriotes, toujours plus nombreux qui nous interpellent ainsi, ont raison de s’inquiéter pour l’avenir de notre pays car notre lutte semble en effet inefficace voire inutile, puisque Déby et les siens sont toujours là, toujours aussi sûrs d’eux, arrogants et méprisants, et, pour tout dire, pratiquement indéboulonnables.
Je voudrais tenter de répondre à ces interrogations et dire à mes compatriotes qu’ils sont cette source intarissable qui nous donne la force, la ténacité, le courage et la volonté inépuisable de continuer la lutte. Tant que Déby continuera de gouverner ce pays comme il le fait depuis 28 ans, il me trouvera, il nous trouvera sur son chemin. Voici un échantillon pratique de ce qui nous motive :
1- Un président qui aime son pays doit aimer et respecter ses compatriotes : Déby se fiche de tout le monde. Il ne s’intéresse qu’à son fauteuil présidentiel dont il partage les jouissances avec la grande famille Itno et quelques affidés. Contre tout bon sens et dans une situation qui imposerait une pause et une ouverture vers d’autres Tchadiens, il continue, imperturbablement, de placer les siens à des hauts postes de responsabilité d’Etat. Les décrets les plus récents en sont une preuve patente. Non, Déby n’aime pas le Tchad et nous méprise.
2- Depuis quelques années, le Tchad, notre cher pays, est littéralement pillé, à ciel ouvert, par Déby et les siens. Le pays est exsangue et les pillages se poursuivent, à l’image des chacals et des hyènes qui emportent les carcasses sans chair de leurs proies, de peur que d’autres carnassiers ne viennent les croquer. Si Déby aime vraiment son pays, il avait l’occasion, après son fameux « forum », de donner des signaux forts pour mettre fin à l’impunité et sauver le peu qui nous reste. Non, Déby n’aime pas son pays !
3- Le Tchad est devenu une poubelle géante, de la capitale jusque dans les plus petits villages, envahis par des immondices vectrices de maladies et d’inconfort. Un arrêté ministériel de 1993 interdisant l’importation des sachets en plastique non biodégradable n’est toujours pas entré en application. Les populations nomades se sédentarisent d’année en année autour des grandes villes, dont N’Djaména, qui sont prises en otage sans que le gouvernement ne lève le petit doigt. Les conséquences de notre mauvaise gestion sur l’environnement général menacent dangereusement notre pays dans un avenir proche, sans que cela n’émeuve outre mesure Déby qui n’y pense guère. S’il aime vraiment son pays, il y mettrait fin sans délai.
4- Les affrontements inter communautaires prennent parfois, et souvent, l’allure de guerres tribales soutenues par les tenants d’un pouvoir tribal. Le phénomène s’accentue sous nos yeux, au nord comme au sud, mal géré par une administration incompétente et complice, qui prend très rarement des décisions justes, et les populations vivent ainsi dans la résignation et l’injustice. Ces faits sont de plus en plus nombreux. Si Déby aime vraiment son pays, cela prendrait fin immédiatement.
5- La précarité s’est définitivement installée dans notre pays. Plus aucun Tchadien n’est à l’abri des problèmes sociaux, sauf ceux de la famille présidentielle qui se sont mis à l’abri pour plusieurs générations. Pour les autres, le bas peuple, les soins de santé primaires ont cessé d’exister dans nos unités hospitalières depuis belle lurette. Nos hôpitaux sont devenus des mouroirs et cela n’inquiète pas Déby, qui ne se soucie que de sa propre santé physique. Il fait le tour des hôpitaux les plus chers d’Europe, quand les soins les plus élémentaires font défaut dans son propre pays. Non, Déby n’aime pas son pays.
6- La jeunesse que le régime évoque dans chaque discours est abandonnée depuis des lustres. Elle ne fait plus partie de ses soucis, à l’image de l’école tchadienne en lambeaux, par manque de vision et de volonté. Des centaines de milliards de francs ont été dilapidées, sous le prétexte de construire des infrastructures dont les résultats sont présents, c’est-à-dire rien. Les enseignants, à tous les niveaux, ne méritent pas le sort qui leurs est réservé, eux qui ont la lourde charge d’éduquer nos enfants pour préparer leur avenir. La jeunesse tchadienne n’a plus aucune perspective, qu’elle soit diplômée ou en quête d’un savoir hypothétique qui s’éloigne d’année en année. Quelle jeunesse veut-on préparer sans lui offrir des espaces de sports, de loisirs et de culture ? Peut-on parler d’une jeunesse ouverte sur le monde sans internet ? Avez-vous vu la place réservée à la jeunesse dans le document du forum ? Quelques lignes vagues. Non, Déby n’aime pas la jeunesse de ce pays.
7- Comment ne pas évoquer la triste question des valeurs morales qui n’existent plus depuis la prise du pouvoir par le MPS ? Aujourd’hui, tout ce qui est mis en valeur est contraire à nos traditions ancestrales et à nos us et coutumes : le crime est valorisé, le vol récompensé, l’indiscipline soutenue, la paresse et la médiocrité encouragées, l’adultère et le divorce banalisés, l’incivisme impuni et, comble de malheur, les enfants sont abandonnés à leur triste sort, sans encadrement efficient, ni à la maison et encore moins à l’école. Quel pays veut-on construire sans aucune valeur, sans morale ni éthique, alors qu’il est riche de ses valeurs ancestrales qui pouvaient servir de référence aux moments difficiles ? Comment le Tchad pourrait-il sortir de ses problèmes avec des dirigeants notoirement reconnus pour être des menteurs impénitents ? Déby aime-t-il son pays ? Non.
8- Comment peut-on bâtir une nation unie et solidaire quand le chef passe son temps à nous opposer dans le triste dessein de s’éterniser au pouvoir, quand il traite les sudistes comme des mangeurs de rats ? Quand il dit que les arabophones sont de meilleurs patriotes que les autres ? Quand il privilégie les musulmans, et donc les nordistes pour lui, et quand il encourage les éleveurs, c’est-à-dire pour lui les nordistes, à bafouer les règles de coexistence pacifique contre leurs compatriotes cultivateurs, pour lui sudistes ?
L’unité nationale a été battue en brèche et n’est invoquée que pour consolider un pouvoir branlant. « Le pays est fragile », c’est l’argument qu’ils assènent chaque fois qu’ils ont des problèmes et qu’ils n’ont pas d’argument à avancer dans un débat. Dès que l’obstacle est franchi, ils disparaissent pour réapparaitre au gré des obstacles à surmonter.
9- J’ai évoqué plus haut le mensonge d’Etat, en voici encore quelques-uns : l’industrie pharmaceutique qui n’a jamais vu le jour, l’instauration d‘un salon des nouvelles technologies et la construction d’un immeuble à cet effet, de multitudes premières pierres qui sont restées les dernières, les budgets des immeubles des Finances, du Trésor, de la maison de la télévision et de l’immeuble du ministère des affaires étrangères qui ont explosé, pour ne citer que ceux-là… Les investissements sont ordonnés au gré du Prince, sans planification. L’exemple le plus patent est celui de la construction d’Amdjarass, sorti des dunes comme dans le conte des mille et une nuits. Pendant que des millions de Tchadiens manquent d’eau, on a été cherché de l’eau à 60 km pour la drainer par un oléoduc jusqu’à Amdjarass qui compte en temps normal à peine plus de 300 âmes.
Tels sont les faits et méfaits de Déby, et ce n’est qu’un échantillon ! Peut-on raisonnablement abandonner la lutte pour le laisser poursuivre patiemment son œuvre de destruction de notre pays ? Je reste convaincu que les vrais patriotes, il y en a encore heureusement, doivent se mobiliser encore davantage contre le système Déby. Non, nous n’avons pas le droit de laisser tomber, quels que soient les échecs qui n’en sont d’ailleurs pas, et quels que soient les soutiens dont il bénéficie à l’extérieur. Une fois encore, ce combat est le nôtre et non celui de l’étranger. Les gouvernements occidentaux ont-ils fait le choix de soutenir Déby ? Nous en avons pris acte et tant pis pour eux, car l’histoire les condamnera. Aujourd’hui ou demain, notre lutte aboutira par nous et pour nous. C’est l’essentiel.
Et pour que notre lutte aboutisse, nous devons absolument avoir le soutien de nos populations sans lesquelles nous n’aurons aucune victoire. C’est pour cela que, une fois encore, j’en appelle à l’unité d’action de l’opposition qui vient de démontrer que c’est dans l’unité que nous pouvons réussir. Il y a moins de deux semaines, en effet, le pays a vécu au rythme imposé du forum si cher à Déby, que l’opposition qui compte, a majoritairement boycotté. Nous avons bien fait de n’avoir pas pris part à cette mascarade qui est une comédie de mauvais goût, avec de piètres acteurs qui savaient à peine jouer leur rôle. Nous avons bien fait de ne pas accompagner Déby et l’après-forum ressemble à une foire d’empoigne qui étale toutes ses insuffisances.
Déby est fort heureux d’avoir réussi son « coup » : une monarchie qui ne dit pas son nom. Dans cette affaire, tout est faux, et nous le verrons de plus en plus ! Pour l’heure, nous notons que l’exercice solitaire du pouvoir fait des ravages dont Déby n’est pas conscient. Il a accumulé erreurs sur erreurs et l’on peut raisonnablement se demander s’il ne se trompe pas d’époque.
Je me contenterai seulement de me demander comment les élections législatives pourraient-elles être organisées dans un pays exsangue, sans préparation sérieuse, sans l’indispensable consensus des principaux acteurs que nous sommes et sans l’assainissement nécessaire de l’environnement général ? Quand la nouvelle configuration administrative du pays en départements et communes entrera-t-elle en vigueur pour être pleinement opérationnelle et gérer des élections ? Ces élections n’auraient-elles lieu que parce que Déby doit respecter les injonctions de ses maitres de Paris ? Et pourtant, il passe son temps à dire que les Tchadiens doivent gérer leurs problèmes sans l’intrusion des étrangers. Il feint d’ignorer que certains préalables ne seront pas remplis d’ici à novembre. Nous nous chargerons de le lui rappeler, car aucun vrai démocrate n’acceptera de participer à des élections encore viciées.
Au total, ce forum fut un coup d’épée dans l’eau et n’a apporté aucune solution aux problèmes lancinants du pays. Les faits nous donnent raison, seul un dialogue inclusif nous sortira du gouffre. Un président illégitime a organisé un forum illégitime qui a instauré une République illégitime avalisée par une Assemblée nationale illégitime ! Après avoir perpétré son coup d’état institutionnel, supprimé de grandes institutions comme le Conseil constitutionnel qui lui est pourtant soumis, il s’offre le luxe d’une nouvelle République, à l’image des républiques bananières ou du Gondwana.
Camarades militantes et militants, pendant cette session, nous allons examiner minutieusement la vie de notre parti. Comme par le passé, il n’y aura aucun sujet tabou, y compris celui de l’indispensable et nécessaire débat sur la revivification de la direction du parti évoquée à Moundou, mais jamais approfondi. Nous devons en parler pour la consolidation et la pérennisation du parti. Nous devons centrer les débats sur les échecs et les problèmes qui nous minent afin de repartir sur de nouvelles bases.
N’oublions pas, chers camarades, que l’UNDR reste la principale cible du MPS. Partout, gouverneurs, préfets, sous-préfets, CB et agents de l’ANS et des renseignements généraux nous traquent jour et nuit pour nous décourager. La direction du Parti le sait et, par ma voix, vous demande de ne pas baisser les bras et de continuer la lutte. Nous devons être l’avant-garde de la bataille démocratique et expliquer aux citoyens que la lutte est longue, qu’elle nécessite de la patience, de l’abnégation et même du sacrifice. Ayons confiance dans le parti qui n’a jamais trahi et ne trahira jamais, pour engager des actions novatrices dans cette bataille multiforme.
Pour finir, j’en appelle une fois encore à l’unité de l’opposition. Nous devons, et nous n’avons pas le choix, nous devons, de plus en plus, resserrer nos rangs pour repartir de plus belle dans cette lutte exaltante pour la vraie libération de notre pays, dans l’unité et la solidarité.
Je vous remercie.
SALEH KEBZABO
Président du parti UNDR