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«TCHAD S.A : un clan familial corrompu, les milliards de Glencore et la responsabilité de la Suisse»

L’ONG SWISSAID vient de publier un rapport où elle s’intéresse de près au secteur tchadien du pétrole, notamment aux activités de la multinationale suisse Glencore, négociant exclusif de l’Etat tchadien. Le rapport met en évidence des pratiques assez opaques dans la gestion des millions de dollars tirés de l’exploitation de l’or noir tchadien. Des revenus qui ne profiteraient qu’au président Idriss Déby et à sa famille, alors que la population végète dans la pauvreté.

C’est un rapport qui risque encore de faire beaucoup jaser. L’ONG internationale SWISSAID vient de rendre public les résultats de son étude sur les activités au Tchad de la multinationale Glencore, géant mondial spécialisé dans les matières premières et qui bénéficie depuis plus d’une décennie, d’un contrat exclusif avec l’Etat tchadien en matière de négoce de l’or noir. A lui seul, le titre de l’étude en dit long sur les principales conclusions tirées de l’analyse des revenus générés de l’exploitation du pétrole par le Tchad, mais également par des pratiques présumées peu orthodoxes qui ont cours entre la multinationale suisse et le clan de la famille d’Idriss Déby, le président tchadien. L’étude, «TCHAD S.A : un clan familial corrompu, les milliards de Glencore et la responsabilité de la Suisse», permet clairement d’illustrer, selon l’ONG, que «le manque de transparence dans le négoce de pétrole entre Glencore et le gouvernement corrompu de ce pays d’Afrique centrale empêche la population de bénéficier des richesses des ressources naturelles de son pays».

Le document dresse une analyse succincte et détaillée sur l’industrie pétrolifère tchadienne qui a débuté en 2003, ainsi que l’évolution et la destination des revenus tirés du pétrole, lesquels n’ont de toute évidence eu aucun impact sur les conditions de vie des Tchadiens. Dans la foulée, les auteurs ont relevé plusieurs facteurs qui expliquent cet état de fait et ont épinglé au passage la société Glencore, mais aussi et surtout le clan du président Idriss Déby.

Alors que les revenus issus du négoce du pétrole avec Glencore représentent  jusqu’à deux tiers de tous les revenus pétroliers du Tchad,  la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT), compagnie pétrolière de l’Etat et principal partenaire d’affaires de Glencore, « est une vraie boîte noire » selon le rapport. Et d’ajouter que Glencore elle-même ne coopère que partiellement avec l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), qu’elle soutient pourtant officiellement.

Le clan Déby au banc des accusés

Rappelant que depuis 26 ans, le Tchad est gouverné par le président Idriss Déby, « qui a fait de ce pays une véritable S.A. familiale corrompue», SWISSAID souligne que  Glencore est étroitement liée à ce système. La société négocie en effet de manière exclusive le pétrole de l’Etat tchadien et octroie en échange au régime des crédits s’élevant à des milliards de dollars comme l’a mis en évidence le rapport mettant en avant les risques de corruption qui sont énormes alors même que « les contrats conclus entre Glencore et le gouvernement tchadien sont opaques ».

« En 26 ans de pouvoir, Idriss Déby Itno, le président du Tchad a transformé sont pays en SA familiale corrompue. Son régime agit de façon de plus en plus répressive, des proches et des membres de la famille du président et de son épouse contrôlent de larges pans du secteur pétrolier. L’araignée au centre de cette toile de népotisme et de racket est la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT), le partenaire essentiel de Glencore au Tchad ».

D’après l’étude qui rapporte certaines estimations, le président  Déby devrait actuellement disposer d’une fortune de 50 à 100 millions d’euros sans compter la fortune amassé par son clan à travers plusieurs membres occupant des postes stratégiques au sein d’entreprises et d’administrations publiques mais aussi des réseaux qui s’étendent aux secteurs stratégiques de l’économie du pays.

Népotisme, malversations et corruption en particulier dans le secteur pétrolier, l’ONG n’est pas allée de main morte pour critiquer les liens entre la famille Déby et les grandes sociétés intervenant dans le secteur notamment Glencore.  En à peine 5 ans, c’est-à-dire depuis le début de l’extraction de pétrole en 2012,  la transnationale suisse des matières premières, est parvenue à se positionner comme l’acteur dominant dans le domaine pétrolier au Tchad, un partenariat des plus inégaux comme l’a mis en évidence le document. D’un côté, en effet, « un Etat appauvri au cœur de l’Afrique, touché par une crise économique massive et dirigé par un régime corrompu », et de l’autre, « une transnationale employant 155.000 personnes, dont le chiffre d’affaires annuel est de plus de 150 milliards de dollars, soit 15 fois plus que le produit national brut du Tchad ».Mieux encore, l’étude compare un pays où plus de 38 % de la population vit avec moins de deux dollars par jour, avec  une entreprise dont le directeur général (CEO) a une fortune de 5.1 milliards de dollars avec «  laquelle il peut subvenir pendant 24 ans aux dépenses de santé des douze millions d’habitants du Tchad ». Comme le souligne dans l’étude, le représentant d’une ONG locale, « la faiblesse et la corruption des institutions étatiques font que des entreprises se retrouvent dans une situation où elles peuvent pratiquement tout se permettre ».

Autant dire qu’il n y a pas match et c’est ce qui expliquerait que la multinationale suisse arrive aussi à se faire des affaires comme c’est le cas de celle qui a fait beaucoup de bruits il y a quelques temps, celle relative de l’emprunt des 2 milliards de dollars consentis par Glencore à partir de 2013 au Tchad. Le remboursement de l’emprunt devrait se faire à travers des livraisons de brut par la SHT à Glencore, mais relève l’étude,  le Tchad est tombé dans le piège des dettes à cause de la forte baisse du prix du pétrole. La plus grande part des revenus pétroliers sert au service de la dette et le pays est confronté à une crise économique massive a souligné SWISSAID qui s’est d’ailleurs appuyé, sur des déclarations du président Déby, lequel reconnait aujourd’hui qu’il « s’agissait d’un très mauvais emprunt » et se demandant même s’il n y a pas eu « des délits d’initiés ». Il y a de quoi en effet puisque selon les estimations du rapport, « les dettes continueront à peser sur le Tchad et lui voler 98 % de ses dividendes » alors que le pays traverse une crise socioéconomique sans précédent depuis quelques temps.

Malédiction de l’or noir

Selon l’étude, en seulement 14 ans, le Tchad est devenu économiquement complètement dépendant du pétrole mais « le développement économique et politique durant cette période peut être considéré comme exemplaire pour un pays victime de la malédiction des ressources ».

 « Malgré des revenus pétroliers de plus de 13 milliards de dollars depuis 2003, près de 50 % de la population tchadienne vit en dessous du seuil de pauvreté. A l’indice du développement humain, le Tchad a reculé de plus en plus et se trouve actuellement à l’antépénultième place. Ce recul a été accompagné par une augmentation de la répression politique, de la corruption et du népotisme ».

En plus des chiffres officiels sur les indicateurs socioéconomiques qui classent le pays comme l’un des plus pauvres de la planète notamment en matière de développement humain, le rapport a rapporté plusieurs témoignages de citoyens tchadiens qui affirment « regretter la découverte de cette ressource ». L’or aurait dû sortir le pays de la pauvreté mais l’opacité qui entour la gestion des revenus tirés de son exploitation ainsi que les pratiques mises en évidence par les auteurs de l’étude, font que  « la population n’a aucun moyen de faire valoir ses droits et de demander des comptes aux autorités et malgré les richesses de son sous-sol, elle souffre de la pauvreté, de la corruption et de la mauvaise gestion ».

Du lobbying pour plus de transparence

La publication de l’étude de SWISSAID n’est toutefois pas fortuite. Après la  présentation des principales conclusions mardi 13 juin à Genève, une table ronde sur l’enjeu de la transparence dans les industries extractives devrait suivre ce mercredi toujours à Genève et à partir du cas tchadien. L’objectif pour l’ONG est à l’évidence de peser sur le débat qui s’ouvre en Suisse sur la prochaine réforme du droit des sociétés anonymes qui prévoient entre autres que les entreprises publient leurs transactions avec des organismes publics. La Commission des affaires juridiques du conseil national suisse se saisira de la question à partir du 22 juin. Or,  la révision du droit de la société anonyme en cours exclut précisément le négoce des matières premières des dispositions de transparence prévues.

Pour SWISSAID et son partenaire Public Eye, la réforme en l’état actuel de ses dispositions contenues dans le projet de loi est « inefficace et ne permettra pas de combattre la corruption, la pauvreté et les migrations dans les pays en développement ». L’analyse des données réalisées par Public Eye sur le secteur suisse des matières premières montrent en effet que les dispositions du projet de loi du Conseil fédéral ne concerneraient que 4 des 544 sociétés du secteur suisse des matières premières. Au Tchad et ailleurs, les géants du négoce comme Glencore, Vitol ou Mercuria concluent des transactions pesant plusieurs milliards de dollars avec des sociétés étatiques qui présentent de forts risques de corruption alors que  de telles transactions ne seraient pas soumises à la nouvelle norme de transparence, relève SWISSAID qui entend ainsi donner de l a voie avant l’adoption définitive du texte.

la tribune.fr

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