Une trentaine de migrants originaires du Ghana ont été
exécutés sommairement par une unité paramilitaire sur ordre de Yahya Jammeh,
ont affirmé deux anciens membres de la garde présidentielle devant la
Commission vérité et réconciliation, mardi 23 juillet.
Les meurtres, qui remontent à juillet 2005, visaient
30 Ghanéens faisant partie d’un groupe de migrants clandestins – 44 Ghanéens et
plusieurs Nigérians, Sénégalais et Togolais – arrêtés sur une plage de Gambie
alors qu’ils tentaient de se rendre en Europe. « Yahya Jammeh a ordonné l’exécution de ces ressortissants étrangers »,
présentés comme des « mercenaires »,
a déclaré devant la Commission
vérité et réconciliation (TRRC) Omar Jallow, ex-membre des « junglers », une unité officieuse de
soldats choisis au sein de la garde nationale.
Selon son récit, qui confirme une enquête des ONG
Human Rights Watch (HRW) et TRIAL, ces 30 Ghanéens ont été emmenés dans le
village du président, Kanilai, avant d’être exécutés de l’autre côté de la
frontière sénégalaise.
Les autres migrants ont également été tués, à
l’exception d’un unique survivant ghanéen, Martin Kyere, qui avait réussi à
sauter du véhicule en marche. Yahya Jammeh, en exil en
Guinée équatoriale, a toujours démenti être impliqué dans ces
assassinats. Un autre militaire, Malick Jatta a également avoué mardi avoir tué
l’un des migrants ghanéens, mais assuré avoir épargné un fuyard, dans une
probable référence à Martin Kyere.
« L’ordre était de les fusiller »
La
question maintenant est de savoir si jammeh devra rendre des comptes ?
Omar Jallow a expliqué que leur
commandant, le lieutenant Solo Bojang, « nous a dit que l’ordre de
l’ancien chef de l’Etat (Yahya Jammeh) était de les fusiller ». « On les a conduits un par un jusqu’au lieu
d’exécution et Sanna Manjang et Malick Jatta leur ont tiré dessus et les ont
jetés dans un puits ».
Sanna
Manjang, déserteur de l’armée en fuite, a été accusé lundi par Malick Jatta
d’avoir participé, sur ordre de Yahya Jammeh, à l’assassinat en 2004 du
journaliste Deyda Hydara, cofondateur du journal privé The Point et
correspondant de l’AFP. M. Jatta a reconnu avoir participé à cet assassinat.
« La question maintenant est de savoir si Jammeh devra rendre des comptes »,
a réagi le conseiller juridique de Human Rights Watch Reed Brody.
Un
demi-frère de Jammeh exécuté
Omar Jallow a aussi expliqué que l’un des migrants lui
avait donné « 100 dollars pour qu’il puisse faire ses prières » mais
qu’il avait été immédiatement abattu par Sanna Manjang. « J’ai gardé les
100 dollars ». L’ancien membre des « junglers » a ajouté avoir
participé à l’exécution d’un demi-frère du président, Haruna Jammeh, peu après
son interpellation en 2005 par la redoutée Agence nationale du renseignement
(NIA). Le demi-frère du président a été conduit dans une forêt proche de
Kanilai, où « Sanna Manjang l’a tué d’un coup sur la nuque », a dit
Omar Jallow.
Arrivé au pouvoir par un putsch sans effusion de sang
en juillet 1994 dans ce petit pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, Yahya
Jammeh s’était fait élire en 1996 puis réélire sans interruption jusqu’à sa
défaite en décembre 2016 face à l’opposant Adama Barrow. Les défenseurs des droits
de l’Homme accusent son régime de tortures systématiques d’opposants et de
journalistes, d’exécutions extra-judiciaires, de détentions arbitraires et de
disparitions forcées pendant ses 22 ans de pouvoir.
Après six semaines d’une crise à rebondissements, il a
finalement dû quitter son pays en janvier 2017 à la suite d’une intervention
militaire et diplomatique régionale. Interrogé début 2018 sur une éventuelle
demande d’extradition de Yahya Jammeh, Adama Barrow a répondu qu’il attendrait
la fin des travaux de la TRRC pour se prononcer.
JA